Ma mère, la Palestine et moi.
J’ai encore un souvenir vivace de ma mère dont les yeux se remplissaient de larmes chaque fois qu’elle regardait des images de palestiniens tués que l’on montrait à la télévision. Ma mère était fidèle aux heures fixes du journal télévisé. Elle a appris au fil des ans à déchiffrer les nouvelles du monde dites dans une langue étrangère, une langue qui n’est pas la sienne, une langue qui vient d’un ailleurs lointain. Une langue que lui imposait la télévision. Les images –bien édulcorées par rapport à celles que nous voyons aujourd’hui- étaient son meilleur allié dans cette aventure de compréhension jonchée de difficultés.
Ma mère qui était profondément attachée à sa culture amazighe, dans ses plus infimes détails jusqu’aux arômes et herbes séchées qu’elle ramenait de tamazight, adorait sa langue au point de traduire en arabe dialectal ses pensées en amazigh. Ma mère parlait le dialectal marocain en amazigh. Cela donnait lieu à un parler des plus originaux…affectueux, sensible et coloré.
Ma mère se sentait solidaire avec les éthiopiens et les somaliens au point de dénigrer celles qui usaient avec excès de l’eau dans le bain maure, se sentait solidaire avec les palestiniens face à la sauvagerie des « juifs ». Elle ne pouvait pas dans son humanisme inné faire la différence entre un mouvement politique et une religion. Elle ne pouvait déceler cet amalgame, par ailleurs prémédité, établi par l’état hébreu entre judaïsme et sionisme. Ma mère ne connaissait ni Edmond Amran El Maleh ni Sion Assidon ni Simon Lévy…
Des années après, je rejoignais les bancs de l’université. Les sections estudiantines de gauche, les cercles de discussion nous attendaient à bras ouvert pour débattre de la démocratisation de la société en parallèle avec la démocratisation de l’état…Les grandes questions nous attendaient. L’épineuse question de la langue, elle, pouvait être reléguée à la sphère privée. La langue amazighe était notre héritage historique mais aussi notre fierté intime. L’intimité semblait être son destin ultime. Mais l’Histoire nous guettait, guettait notre confort et nos compromis, elle finit par nous surprendre. L’identité est une question trop importante pour être reléguée aux oubliettes. De par le monde, les ethnies se révoltaient.Pour mon pays, la problématique se posait autrement. Point de problème ethnique. Mais, La culture et la langue amazighes réclamaient leur droit à l’institutionnalisation, à la constitutionnalisation …. Reconnaître la langue et la culture amazighes devenait une priorité nationale…
Revenons à ma mère dont la culture amazighe signifiait entre autres la tolérance, le vivre-ensemble, la douceur et l’accueil de l’autre, si elle vivait encore aujourd’hui elle serait tout autant sensible à l’injustice que subissent nos concitoyens d’Imider, d’Anfgou et autres coins et recoins oubliés de mon pays qu'au massacre subi par la population gazaouie. Elle qui pleurait à la vue d’un vieux mendiant loqueteux. Jamais, il ne lui serait venu à l’esprit d’être indifférente aux souffrances des peuples du moyen orient par réaction à l’exclusion, à la marginalisation de sa langue et sa culture au bénéfice d’une culture venue d’ailleurs. Elle ne serait mue que par son humanisme inné….
Quant à moi, il m’a fallu des lectures acharnées, des interrogations brûlantes, un courage à bras-le-corps pour remettre en question les convictions panarabistes et pour mettre à jour la spécificité culturelle et historique de mon pays. Bourdieu et sa théorie du marché des biens symboliques, Lévinas (tenez encore un juif) et ses réflexions sur l’éthique, Derrida et sa déconstruction, H.Arendt et sa critique de l’idée hégémonique de l’état-nation, pour repenser ce qui n’était qu’appartenance affective et sentimentale à ma langue et ma culture maternelles.
Au bout d’un long voyage initiatique, convaincue des droits linguistiques et culturels des amazighophones mais également du droit de tous les citoyens marocains à une réconciliation avec leur histoire, une histoire non-mutilée par une conception jacobine de l’état, par une volonté délibérée d’assimiler et d’aliéner une langue que parle la terre (Agdal, Anfa, Tamessna, Azemmour, Asfi, Tansift, Marrakech…), je ne peux qu’être solidaire, sur les traces de ma mère, avec un peuple qui subit une politique coloniale dont les principaux titres sont l’expulsion, la dépossession et le meurtre. Bref, une politique d’extermination systématique.
Ma mère qui était profondément attachée à sa culture amazighe, dans ses plus infimes détails jusqu’aux arômes et herbes séchées qu’elle ramenait de tamazight, adorait sa langue au point de traduire en arabe dialectal ses pensées en amazigh. Ma mère parlait le dialectal marocain en amazigh. Cela donnait lieu à un parler des plus originaux…affectueux, sensible et coloré.
Ma mère se sentait solidaire avec les éthiopiens et les somaliens au point de dénigrer celles qui usaient avec excès de l’eau dans le bain maure, se sentait solidaire avec les palestiniens face à la sauvagerie des « juifs ». Elle ne pouvait pas dans son humanisme inné faire la différence entre un mouvement politique et une religion. Elle ne pouvait déceler cet amalgame, par ailleurs prémédité, établi par l’état hébreu entre judaïsme et sionisme. Ma mère ne connaissait ni Edmond Amran El Maleh ni Sion Assidon ni Simon Lévy…
Des années après, je rejoignais les bancs de l’université. Les sections estudiantines de gauche, les cercles de discussion nous attendaient à bras ouvert pour débattre de la démocratisation de la société en parallèle avec la démocratisation de l’état…Les grandes questions nous attendaient. L’épineuse question de la langue, elle, pouvait être reléguée à la sphère privée. La langue amazighe était notre héritage historique mais aussi notre fierté intime. L’intimité semblait être son destin ultime. Mais l’Histoire nous guettait, guettait notre confort et nos compromis, elle finit par nous surprendre. L’identité est une question trop importante pour être reléguée aux oubliettes. De par le monde, les ethnies se révoltaient.Pour mon pays, la problématique se posait autrement. Point de problème ethnique. Mais, La culture et la langue amazighes réclamaient leur droit à l’institutionnalisation, à la constitutionnalisation …. Reconnaître la langue et la culture amazighes devenait une priorité nationale…
Revenons à ma mère dont la culture amazighe signifiait entre autres la tolérance, le vivre-ensemble, la douceur et l’accueil de l’autre, si elle vivait encore aujourd’hui elle serait tout autant sensible à l’injustice que subissent nos concitoyens d’Imider, d’Anfgou et autres coins et recoins oubliés de mon pays qu'au massacre subi par la population gazaouie. Elle qui pleurait à la vue d’un vieux mendiant loqueteux. Jamais, il ne lui serait venu à l’esprit d’être indifférente aux souffrances des peuples du moyen orient par réaction à l’exclusion, à la marginalisation de sa langue et sa culture au bénéfice d’une culture venue d’ailleurs. Elle ne serait mue que par son humanisme inné….
Quant à moi, il m’a fallu des lectures acharnées, des interrogations brûlantes, un courage à bras-le-corps pour remettre en question les convictions panarabistes et pour mettre à jour la spécificité culturelle et historique de mon pays. Bourdieu et sa théorie du marché des biens symboliques, Lévinas (tenez encore un juif) et ses réflexions sur l’éthique, Derrida et sa déconstruction, H.Arendt et sa critique de l’idée hégémonique de l’état-nation, pour repenser ce qui n’était qu’appartenance affective et sentimentale à ma langue et ma culture maternelles.
Au bout d’un long voyage initiatique, convaincue des droits linguistiques et culturels des amazighophones mais également du droit de tous les citoyens marocains à une réconciliation avec leur histoire, une histoire non-mutilée par une conception jacobine de l’état, par une volonté délibérée d’assimiler et d’aliéner une langue que parle la terre (Agdal, Anfa, Tamessna, Azemmour, Asfi, Tansift, Marrakech…), je ne peux qu’être solidaire, sur les traces de ma mère, avec un peuple qui subit une politique coloniale dont les principaux titres sont l’expulsion, la dépossession et le meurtre. Bref, une politique d’extermination systématique.
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