728x90 شفرة ادسنس

الاثنين، 14 يوليو 2014

De l’impérieux besoin de sauver les lettres et les sciences humaines au Maroc - Najate Nerci


De l’impérieux besoin de sauver
 les lettres et les sciences humaines au Maroc





« La littérature est une affaire sérieuse pour un pays,
 elle est au bout de compte, son visage »
 Louis ARAGON 
« C’est à travers les mots,entre les mots,
qu’on voit et qu’on entend »
 Gilles DEULEUZE 




 Depuis les années soixante-dix, les lettres et sciences humaines furent indubitablement combattues. Si l’enseignement de la philosophie a été restreint aux seules universités de Rabat et de Fès, l’institut de sociologie ne fit pas long feu et fut fermé en 1971. Les études islamiques firent leur entrée à l’université et constituèrent des pépinières répandant une vision wahhabite de l'Islam, dans le dessein de contrecarrer le ras de marée de la pensée de gauche.


Les lettres et sciences humaines furent combattues d’une manière plus insidieuses encore à travers une soi-disant carte scolaire permettant à des élèves avec des moyennes au-dessous de ce qui est concevable d'accéder à la filière littéraire au lycée et regagner plus tard les bancs de l’université. La baisse du niveau prendra un tournant de façon à former une boucle infernale. Les multiples réformes de l’enseignement ne firent qu’enfoncer encore plus le clou.

 Il faut sauver les lettres et sciences humaines de cette distension des effectifs sans réel potentiel, mais il est d’autant plus urgent de les protéger des intentions assassines formant un iceberg, dont les déclarations de l’actuel ministre de l’enseignement supérieur ne sont que la partie visible. Les lettres et sciences humaines font peur. Par les compétences en communication, en argumentation et en analyse qu’elle transmettent, bien que les vrais bénéficiaires restent élitistes, elles ont le potentiel de former des lauréats bien équipés pour la vie citoyenne avec une conception plus critique du fonctionnement de la société et de l’Etat. Une vision qui est plus que jamais nécessaire dans une société complexe, en perpétuel changement et confrontée à des problématiques humaines et identitaires d’une grande acuité. Or le véritable dilemme de notre pays réside dans l'incompatibilité des exigences de l'évolution et de la modernité avec la volonté politique des dirigeants. 

La majeure partie des élèves marocains qui arrivent dans ces filières en étant démunis des bases les plus rudimentaires de maîtrise de langue, de méthodologie et de connaissances, souffriront d’une carence majeure de clés de lecture des réalités économiques, sociales et culturelles. Les lettres, les sciences humaines et sociales ont un rôle essentiel à jouer dans la formation citoyenne. A l’heure où l’on s’interroge sur la manière de faire face au défi intégriste, ces spécialités, si elles sont bien enseignées ne sont-elles au moins autant à même que les sciences exactes de doter les élèves d'un esprit critique? Pour assurer à tous les étudiants universitaires y compris les scientifiques l’indispensable outil d'analyse de synthèse, ne serait-il pas bien plus judicieux, plutôt que taxer les lettres et sciences humaines et sociales d'être à l'origine des pires maux que, d’affecter davantage de temps d’apprentissage à ces «humanités», dans leur ensemble, en les intégrant aux cursus des facultés de sciences et techniques et autres facultés de médecine et aux écoles d'ingénieurs au lieu d'y laisser fleurir des discours appelant à l'exclusion et à la violence au nom d'une lecture unilatérale du texte religieux. Les discours de minorisation des lettres et sciences humaines ne peuvent conduire qu’à un déficit de formation, donc à un déficit de compréhension au détriment du «vivre ensemble » auquel les établissements universitaires devraient pourtant oeuvrer. Les humanités peuvent fournir un outil efficient dans «la construction» du citoyen digne des temps modernes. Or, la volonté, me semble-t-il, est toute autre chez nos responsables. Au souci sécuritaire qui fut de tout temps le facteur déterminant de la politique de l’éducation nationale, s’adjoint donc aujourd’hui celui de l'inquiétude quant à l’employabilité des milliers de lauréats des facultés de lettres et sciences humaines. Ces derniers envahissent, par vagues, la principale avenue de la capitale en revendiquant le recrutement dans la fonction publique. A ceux qui prétendent que ces milliers de jeunes ne doivent pas réclamer des emplois dans la fonction publique, l’on peut facilement répliquer que ceci est le propre de toute économie de rente. Comment pourrait-on leur contester «leur droit» dans un état permettant à d’autres de s’enrichir à ses dépens à travers les rentes de carrières, de transport public et de pêche en hautes mers sans tomber dans la contradiction? Assainissons tout d’abord notre économie des catégories appartenant aux «ayants droit» avant d’appeler à la rationalisation des dépenses publiques.

 Et si notre gouvernement faisait preuve d'un peu de créativité, il pourra mieux répondre à ces problématiques de grande acuité. Tout d'abord, il faudra arrêter de prendre les options littéraires pour des «fourre- tout» en y embarquant des élèves ayant des moyens très bas. Il est urgent de rendre à ses spécialités leur lettre de noblesse par la création de classes préparatoires qui seront à même de former des élèves susceptibles d'exercer les métiers d'enseignement et de recherche, ce qui ne peut manquer de renforcer les capacités d'apprentissage et d'éducation de nos futurs enseignants. N'oublions pas que le Maroc est en passe de connaître une pénurie d'enseignants vue les départs massifs à la retraite. Il faudra ensuite diversifier l'offre par la création de licences professionnelles dont le principal avantage est de doter l'étudiant de capacités opérationnelles sitôt diplômés. Il aura à suivre les cours à option, les stages et les formations complémentaires plus appliquées pour intégrer facilement le marché d'emploi. En plus des connaissances théoriques, il affinera sa spécialité par une connaissance du terrain par le biais d'une formation professionnelle parallèle qui l'orientera vers l'administration ou le secteur privé. Ainsi, la sociologie et la psychologie offriront des débouchés dans le secteur social, le marketing, l'histoire, le philosophie et les lettres permettront l'embauche dans l'édition, la documentation et la culture. Rappelons que le Maroc manque cruellement de médiathèques et de bibliothèques municipales dont le rôle principal est de contribuer à la formation de citoyens cultivés et responsables et de leur faciliter l'accès au droit universel à la culture. Les métiers du cinéma et du théâtre représentent également d'excellentes perspectives à condition de la mise en place d'une politique culturelle qui allie les soucis de rentabilité à la formation citoyenne des marocain.ne.s. Sous d’autres cieux, l’importance des lettres et sciences humaines ont été saisies notamment par de grandes entreprises. Aux États-Unis, le géant d’Internet Google a annoncé en 2011 que la majorité des 6 000 personnes qu’il embauchait seraient diplômées en arts et en sciences humaines. En France, l’opération Phénix, entre autres, a été mise en place pour faciliter l’intégration des diplômés en LSH afin de diversifier le personnel. En occident, chefs d’entreprise, publicitaires, directeurs de marketing, militaires, journalistes…Qu’ils aient étudié en histoire, en sociologie, en philosophie, en sciences politiques, en art ou en littératures, ont réussi à intégrer le marché du travail et y ont brillé grâce notamment à des compétences d’analyse et de synthèse. Polyvalents, créatifs, ces diplômés peuvent s’adapter à toutes sortes d’environnements et de situations.

 Enseigner les «humanités» est aujourd'hui une question d'utilité sociale et nationale. Si certains appellent de leurs vœux à leur fin prochaine, les universitaires de ces disciplines sont présents dans la plupart des grands débats nationaux. Par ailleurs, le classement international des universités QS (Quacquarelli Symonds) dont le ministre actuel semble si soucieux se fait également par discipline, celui rendu public fin février a réservé des places de choix à des universités de sciences humaines et sociales grâce notamment aux citations de leur recherches et leur réputation académiques et auprès des profesionnels.

 Les lettres et sciences humaines et sociales sont d’une importance capitale pour l’avenir du pays. Le traitement des problèmes qui les accompagnent ou les entourent ne saurait souffrir une quelconque improvisation.
  • تعليقات بلوجر
  • تعليقات الفيس بوك

0 commentaires:

إرسال تعليق

Item Reviewed: De l’impérieux besoin de sauver les lettres et les sciences humaines au Maroc - Najate Nerci Rating: 5 Reviewed By: Unknown
Scroll to Top